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Jimmie Durham, « Ecrits et manifestes »

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Portrait de Jimmie Durham (Marco Fedele di Catrano)

Je travaille actuellement sur une intervention autour des liens entre art contemporain et cultural studies pour une Journée d’étude organisée par la revue Marges et qui se tiendra le 24 février à l’inha. Cela fait quelques temps que je voulais me replonger dans l’oeuvre de Jimmie Durham, artiste sur lequel j’avais déjà écrit un long article monographique pour Art21. Mais comme le temps et les exigences de la critique d’art ne sont pas ceux de la recherche universitaire, je n’avais pas épuisé le sujet, j’avais l’impression d’avoir un peu survolé le travail de cet artiste réellement passionnant. Je me suis donc emparé de la traduction des textes de Jimmie Durham (Ecrits et manifestes, Paris, ensba éd., 2009) afin d’en explorer le volet « textuel ».

On a l’habitude de présenter Jimmie Durham comme un artiste Cherokee ayant eu une activité politique comme délégué de l’American Indian Movement (AIM) à l’ONU dans les années 1970. On imagine alors assez aisément que le travail de l’artiste s’intéresse à la représentation des indiens d’Amérique dans la culture et dans l’art occidental.

Le recueil comporte une quinzaine de textes. S’ils sont tous intéressants, ne serait-ce pour comprendre les cheminement intellectuel de l’artiste, deux d’entre eux m’ont principalement passionné :  » Les Cowboy et les … » (1990) et « Eurasie » (2000).

« Les Cowboys et les… » revient sur la difficulté à nommer les fameux « … », autrement dit les « indiens d’Amérique », les « indiens Américain », ou toutes autres appellations historiquement non satisfaisantes et surtout attribuées par le « colonisateur ». Durham développe l’idée qu’il est particulièrement compliqué de ne pas coller au discours de ce dernier alors même que ce discours semble proposer certaines opportunités d’insertion dans le récit américain. La situation est d’autant plus complexe pour les indiens d’Amérique qui ont largement perdu la guerre contre leur colonisateur. S’en suit quelques piques contre les artistes qui jouent les « indiens authentiques » ou certains artistes occidentaux soucieux de « sauver les indiens » sous la forme d’un charity business artistique. L’intérêt de la déconstruction que propose Durham est sa complexité. Elle offre une critique assez inédite de certaines idées très en vogue dans les années 1990-2000 autour d’une sorte de We are the world généralisé ou d’une affirmation d’un prétendu pluralisme postmoderne.

« Ce n’est pas comme si nous tentions nous-même de nous exprimer à partir d’un quelconque état de virginité à la grâce sauvage. La colonisation n’est pas extérieure au colonisé et elle ne produit chez lui ni sagesse ni charité. Poussés à ne plus nous sentir comme des personnages réels, authentiques, nous contribuons souvent à notre propre oppression en assumant des identités ou des attitudes qui proviennent de la structure coloniale. » (p. 53)

Mais c’est dans un  autre article (« A la recherche de la virginité », 1991) qu’on trouve parfaitement bien résumée l’ambivalence du monde de l’art à l’endroit du mythe viril et dominateur de ce que Durham désigne par le « discours Narratif Maitre des Amériques » :

« Tout le monde adore le cow-boy solitaire. Libre, indépendant, affranchi des lois, il n’a pas à travailler pour vivre. Il a cette solitude existentielle vraiment cool et un regard pénétrant. Il est un critique perceptif de ceux qui vivent en ville et « personne ne l’emmerde ». Parfois, il doit tuer des méchants sauvages mais les sauvages intelligents eux deviennent ses amis et il apprend leurs usages tout en restant lui-même. Quel modèle parfait pour les artistes du XXe siècle ! Quelle façon parfaite pour Pollock (de mettre Picasso en joue) ! Mais ce n’est pas tout, de nos jours les artistes aiment se voir comme des « shamans ». Et si vous pouviez être le cow-boy et l’indien, comme le « Winnetou » de Karl May ? Un arrangement parfait pour retirer le maximum de bénéfices tant psychologiques qu’économiques. » (p. 76)

Dans « Eurasie », Durham revient sur son arrivée en « Eurasie » (qu’il refuse un peu coquettement de nommer « Europe » mais qu’on a coutume de désigner ainsi) pour lui l’occasion de faire un bilan de ses activités passées et d’exposer sa vision particulièrement lucide du monde de l’art qu’il considère comme une industrie peuplée de gangsters! Il esquisse également une analyse de l’évolution des idéologies depuis les années 1970 jusqu’à l’effondrement du communisme à la fin des années 1980. La conclusion quelque peu désabusée de Durham étant qu’avec l’effondrement des idéologies, le seule modèle qui reste disponible est celui de la consommation ; modèle qui devient, de fait, le type de rapport quasiment unique au monde vers une sorte de devenir touriste :

« En tant qu’être humains « commerciaux », voilà ce que je pense que nous faisons actuellement : nous nous comportons comme des touristes vis-à-vis de l’humanité, parce que nous ne connaissons pas d’autre mode de comportement. Etant touristes, nous voulons que l’humanité nous vende quelque chose d’intéressant, nous apporte des distractions. Nous voulons aussi que l’humanité soit authentique : nous n’aimons pas, nous faire escroquer. En tant que touristes vis-à-vis de l’humanité, nous voulons qu’on pique notre curiosité, au cas où nous achèterions quelque chose. » (p. 115-116)

Le tout est écrit dans un style assez oral, parfois sarcastique (pas par choix mais par nécessité, dirait Durham!), extrêmement lucide et clairvoyant sur les attentes et les orientations du monde qu’il s’agisse d’art ou d’activisme politique. Seul regret, les éditions des Beaux-Art auraient dû payer un correcteur pour relire les textes, les nombreuses coquilles rendant parfois le propos incompréhensible !


Classé dans:lectures, recherche

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